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Enseignant d'équitation, métier sérieux ou pas sérieux ?

Le mois de mars est souvent la période des portes ouvertes des écoles, des centres de formation.

C'est aussi la période des choix d'orientation scolaire pour les plus jeunes mais aussi peut-être une période de questionnement pour une potentielle réorientation ou reconversion professionnelle ?


La filière équestre vous attire ?


En savez-vous assez sur le milieu pour vous lancer ?


Vos parents et votre famille s'inquiètent peut-être de ce choix et sur votre vie professionnelle future ?


L'idée n'est pas de vous dissuader, de ternir l'image de la profession, mais d'écrire ce que vous ne lirez pas ailleurs. De vous informer au plus juste pour faire votre choix en toute connaissance de cause. 
L'idée n'est pas de démentir tout ce que vous lirez sur les sites qui sont censés attirer les élèves en formation pour des raisons pécuniaires, car tout ce qui est dit est vrai, mais ce n'est QUE le positif. Pour vous attirer, car votre entrée en formation est une source de rentrée d'argent et/ou de réduction de charges, on ne vous parle que des avantages. 


Aucune profession, aucun métier n'est QUE positif. Il y a forcément des avantages ET des inconvénients. Le négatif doit être connu sinon on ne peut pas juger objectivement.
Déjà parce que ce qui est vu comme positif pour une personnalité ne l'est pas forcément pour d'autres, et surtout, on ne vous dit pas (dans les salons etc) que la personne qui vous renseigne minimise les inconvénients quand vous lui poser la question. Ce qui revient à une forme de publicité mensongère.

En tout cas, c'est à minima, mentir par omission, car si vous  ne posez pas la question, clairement cela ne sera pas évoqué.

A part vous dire le classique : "Attention vous allez travailler en décalé" clairement, on vous décrira le métier idyllique, sympathique et ouvert de la profession (ça c'est avant la signature du contrat et avant qu'on est perçu le financement de votre place d'élève en formation).

Vous allez en effet travailler le weed end, le soir, les vacances, les jours fériés, le 1er mai compris, ...

Désormais les soirées du samedi entre amis ou en famille vous serez toujours le dernier arrivé parce qu'il y a le club à fermer après la dernière reprise et le premier parti parce que dimanche matin il y a embarquement des chevaux de concours ou une animation sans intérêt technique la plupart des cas, juste pour le tiroir-caisse du club !

Bref, masquer la réalité du terrain n'est ni une bonne idée ni très honnête, ça ne sert à personne ;
- ni à vous car vous vous sentirez trompé, 
- ni à la filière car former des gens qui la quitte avant la fin de leur formation, ou qui n'entrent jamais en poste en fin de formation, ou qui la quitteront après 3 ans d'exercice en moyenne (contre 5 ans en moyenne dans les années 1990) n'a aucun intérêt
- ni à l'Etat et aux collectivités qui financent tout ou partie des formations, c'est de l'argent de perdu qui ne sert pas à l'emploi sur le territoire...

Si l'idée est de recruter les meilleurs futurs professionnels, autant annoncer la couleur dès le début, ça fait gagner du temps à tout le monde et ça fait économiser de l'argent.

Metier-Cavalier-Enseignant-Humour-gbequitation-Nudz


L'enseignant d'équitation n'a pas bonne image (et n'est donc pas pris au sérieux, d'où le titre) pour plusieurs raisons :
-on ne respecte pas quelqu'un qui  n'est pas respectable. En effet, beaucoup trop d'enseignants (et enseignantes) ont dans beaucoup d'écuries et de clubs une attitude absolument désastreuse. Habitudes vestimentaires négligées, attitude grossière voir vulgaire, gueulard(e), faibles connaissances et grande bouche qui déplait fortement décrédibilise beaucoup, souvent c'est un personnel pas fiable, pas solidaire avec les collègues, pas investi dans l'entreprise, pas respectueux de son employeur souvent, pas respectueux non plus de la clientèle, pas respectueux de la cavalerie....
-exercer dans le loisir n'est pas souvent pris au sérieux de toute façon
-bien que ce soit une profession réglementée (une des rares à avoir obligation de diplôme et donc de formation au même titre que les avocats, les enseignants, ...) c'est mal vu parce que les salaires bas en font des postes à fort turn-over et donc des situations précaires.

Cela n'a pas toujours été le cas. L'équitation a quand même bénéficié d'un héritage militaire avec des gens de valeurs, des grands maîtres qui s'avaient parler cheval, des courageux, des gens avec du tact... Des personnes butées aussi un peu figées sur certains points.

Cette génération imposait tout de même un grand respect. Les élèves de ces figures ont également bénéficiés de cette estampille, et puis tout est partie en vrille à la fin des années 90.

De génération en génération la réputation s'est effritée avec la culture. 

En tant que salarié on vous prendra souvent pour un rigolo, en tant qu'indépendant, si vous choisissez ce mode d'exercice, on vous prendra carrément pour un con. 

On négociera le prix de vos cours comme si vous étiez un brocanteur, on ne vous paiera pas, on vous demandera de décaler X fois un cours, un même cavalier vous annoncera un objectif différent tous les quatre matins et vous reprochera de ne pas atteindre son but alors qu'il passe son temps à  partir dans tous les sens...

Metier-Enseignant-Equitation-Independant-Liberal

Le déploiement de la technique et de l'élevage a fait de faux bons cavaliers. Aujourd'hui on se rend compte finalement que beaucoup y compris parmi des cavaliers de renoms ont du mal à revenir à moins d'artifices et qu'il est difficile de maitriser les machines de guerre sportives que l'élevage a fabriqué pour gagner.

Mais l'évolution du sport et de la pratique est un autre débat.


J'ai le souvenir d'un ophtalmologue (oh là là... un "grand" diplômé de médecine, et arrogant comme bien comme il faut et comme le sont beaucoup par leur statut dans le milieu médical) qui me dit un jour (en sachant que j'étais fraîchement diplômée) que sa fille voulait suivre la voie de l'équitation qui me dit en ricanant : "quand même....??? Eh c'est pas très sérieux !? C'est un niveau social et intellectuel vraiment bas vous ne trouvez pas ? " ...

Je ne sais pas si sa fille à suivie son coeur ou son con de père, mais j'ai changé d'ophtalmo en me disant que quand même un ophtalmo qui a des créneaux (beaucoup) de libre à moins de 15 jours d'attente et qui prescrit des lunettes avec 10/10 à chaque oeil ne doit vraiment pas être un bon ophtalmo ! 


On ne sait pas trop qui de la poule ou de l'oeuf est arrivé en premier.
La filière ne respectant pas beaucoup ses employés (contrats, tâches, salaires, relations, ...) a-t-elle finit par n'attirer que des employés pas sérieux, ou trop d'employés pas sérieux ont-ils finit par faire changer le regard que les employeurs et les clients posent sur eux ?


Oui c'est une profession passionnante, variée dans les tâches, on est avec les animaux, on fait beaucoup de rencontres, il faut aimer l'accueil du public, le travail au grand air (avec la possibilité d'être aussi employé dans les nombreux clubs des grandes villes)...


En 30 ans, les conditions de travail se sont quand même beaucoup dégradées. Quoiqu'en disent les marchands de formations, qui vivent...de la formation et donc du nombre de candidats. Ce qui est cru sur paroles car peu de dinosaures sont encore là pour témoigner (rappelez-vous, le fort taux de turn-over et d'abandon de la profession).

L'équitation a une toute petite mémoire pour beaucoup de choses...


Une convention collective (faites par des employeurs) de moins en moins favorable au salarié. Une grille des salaires verrouillée sur laquelle s'appuie les employeurs, quand ce n'est pas sur la convention collective des centres équestres c'est sur celle des sports et des loisirs, et là c'est encore pire !

Vous ne pourrez pas ou peu négocier votre salaire.


Des avantages qui ont fondu comme neige au soleil avec les années. Fini les chevaux offerts aux diplômés, fini les pensions gratuites, fini les heures supplémentaires pour son propre compte et les tâches parallèles qui permettaient d'arrondir ses fins de mois, fini ou presque la formation équestre quotidienne par l'instructeur du club, tout simplement parce qu'il y en a quasiment plus et parce qu'avant c'était prévu dans les fonctions aujourd'hui c'est ponctuel ou sur son temps personnel, ou à l'occasion de stages exceptionnels sur place ou dans la région selon les évènements, fini les chevaux confiés au travail, pour les sorties en concours, ...

Aujourd'hui on s'aperçoit qu'un enseignant qui monte à cheval est redevenu nécessaire, mais cette réintroduction est difficile. Les employeurs ont vite pris le pli de laisser les moniteurs à pieds faire marche arrière est compliqué dans leur tête.


Ne faites pas ce métier pour monter à cheval. Très peu arrivent à le faire en tout cas pas comme ils le souhaiteraient.
Ne faites pas ce métier si vous aimez les chevaux ou alors accrochez-vous, vous en verrez plus malmenés que bien traiter.  Et si vous le faites pour contribuer à changer les choses, préparez-vous à vous heurter à quelques difficultés. 
La déontologie y est inexistante. Personne ne respecte personne ou presque. Les seuls que l'on "respecte" sont souvent les pires personnages du milieu. Ceux qui ont le bras long, qui copinent avec des gens de pouvoir (politique etc.) et qui font les pires crasses, du coup ils sont respectés parce qu'ils font peur, parce qu'ils sont bons dans leurs fonctions, au contraire. S'ils étaient bon ils n'auraient pas eu besoin de gravir les échelons de mauvaise manière.

Gardez en mémoire que lorsque vous êtes clients on vous déroule le tapis rouge. Quand vous passez de l'autre côté de la barrière vous êtes vu comme un concurrent, y compris au sein du club où vous travaillez.
Ce n'est pas la franchise, la bienveillance et la gentillesse qui étouffent le milieu. Aussi bien du côté clients que du côté collègues, les critiques, les jalousies, les ragots, la méchanceté gratuite est monnaie courante dans ce milieu.

Comme écrit un présentateur télé qui a longtemps été cavalier :

l'équitation est le milieu où il y a le plus de trou du culs au mètre carré.


Il sera finalement facile de mesurer votre qualité professionnelle, qui sera à la hauteur des casseroles mensongères que l'on tentera de vous accrocher et au sucre que l'on vous cassera sur le dos  (diabète garanti).

Vous critiqueront et auront un avis sur vous même des gens qui ne vous connaissent pas, qui ont juste entendu que... 

Critiqueront votre pédagogie des gens qui n'ont jamais vu un de vos cours!!! Et oui ! 


Personne ne vous obligera à vouloir gravir les échelons, on peut rester animateur toute sa vie, ou moniteur si cela vous convient très bien.


MAIS sachez que si vous aspirez à évoluer, les possibilités sont relativement nombreuses, cela ne sera pas difficile, ce sera TRES difficile.


On ne vous laissera pas forcément le temps de vous former, il vous faudra souvent partir pour évoluer.  
Si vous arriver à vous former et à passer d'autres diplômes, on vous confiera sans aucun problèmes d'autres tâches et vous aurez plus de responsabilités très facilement et très rapidement avec vos montées en compétentes MAIS le salaire et les avantages ne suivront pas dans 90% des cas.
Là encore, il faudra partir pour tenter d'être embauché et rémunéré ailleurs à votre juste valeur. 
Attention toutefois, votre montée en compétence pourrait être une source de non employabilité.


En effet, le niveau moyen des cavaliers de club aujourd'hui est le galop 4, et le galop 5 pour la clientèle de propriétaires. "Inutile" ou presque pour un employeur d'embaucher un enseignant plus compétent qu'un diplôme de niveau IV... 


Un employeur préfèrera toujours la quantité à la qualité. 
Il se moque d'avoir des cavaliers  de niveau 7 et + un forfait est un forfait. Un "galop 7" ne rapporte pas plus qu'un galop 2. Et comme les galops 7 sont moins nombreux que les « galop 2 », qu'ils sont plus exigeants qu'ils nécessitent une cavalerie plus coûteuse, mieux dressée, qu'ils sont plus difficiles à garder, on préfère des "galops 2"... Et donc un animateur et un enseignant "pas trop chers payés" dans un club "suffisent" pour faire tourner la boutique.


Plus vous êtes diplômés et compétents, plus vous coûtez chers et moins votre public est nombreux...Vous n'intéressez plus les employeurs, il n'y a plus de poste pour vous.
Idem si vous vous spécialisez dans une discipline. Avoir une connaissance supplémentaire ou une attirance pour l'encadrement ponctuelle d'un stage à thème est un plus, mais si vous vous spécialisez, clairement vous sortez de l'employabilité.

Comme dans toutes les entreprises, les coups bas sont de mises, les promesses pas tenues, le piston (clairement les meilleurs postes ne s'obtiennent que comme ça, vous ne trouverez jamais le poste de vos rêves dans les petites annonces quel que soit le site). 

Il n'y a pas de sites miracles "spécialisés". Tous ont le même type d'annonces ; 80% sont des postes de palefreniers soigneurs et enseignants-animateurs poneys ou polyvalent poneys/cheval.


Les employeurs veulent du jeune (malléable), jeune diplômé (peu cher), du polyvalent (vous pouvez faire un peu de tout), pas un amateur de compétition, si possible célibataire sans enfant (disponibilité), ... Et gros point noir, on n'accepte quasiment plus que les enseignants viennent avec leurs chiens.


La nouvelle mode est aussi de recruter le personnel sans cheval et sans chien ! 

Quel intérêt de faire ce métier alors ?
Alors même que les entreprises classiques se mettent à accueillir les animaux domestiques dans les bureaux parce qu'on reconnait les bien faits sur la productivité, l'ambiance, ...L'équitation qui l'a toujours fait (c'était même prévu dans la convention collective), aujourd'hui fait marche arrière.
Sachez-le, les heures supplémentaires sont toujours d'actualités MAIS ne sont toujours pas payées, (comme quoi, tout ne change pas...).


S'il est moins difficile (globalement) d'obtenir un contrat de travail attention aux clauses abusives qui peuvent se glisser ci et là...


Il est aussi plus rare de devoir courir après son salaire mensuel, si faible soit-il au regard du coût de la vie.
Cette profession reste une activité comportant des tâches physiques éprouvantes et accidentogènes non négligeables. La reconversion est très difficile, quasi impossible selon l’âge du candidat ou alors pour une situation financière encore plus dramatique sauf si vous aviez un niveau d’étude initiale déjà élevé. 
Les équivalences avec d'autres filières et métiers sont presque nulles. Rien n'est réellement prévu ni organisé. 

En conclusion c'est probablement l'un des métiers les plus ingrats, quoique vous fassiez il y a de forte chance pour qu'il y ait quand même toujours quelqu'un pour vous prendre pour un baltringue.

De toute façon, vous inutile de vous plaindre, il y aura également toujours quelqu'un pour vous dire "tu l'as voulu, c'est ta passion t'as pas à te plaindre". Curieusement on ne dit pas la même chose à un médecin, pourtant lui aussi à choisit son métier et pour lui aussi soigner une passion, du moins j'espère sinon c'est inquiétant.

Alors métier sérieux ou pas sérieux ? C'est un métier très sérieux, en tout cas il faut le faire très sérieusement parce qu'à risque pour les cavaliers comme pour les chevaux. Aussi parce que c'est une grande responsabilité que d'avoir un impact direct sur la santé et le travail des chevaux qui vous sont confiés pour l'instruction. C'est aussi un métier dont on n'a jamais vraiment fait le tour, la pédagogie et la connaissance du cheval sont sans fin. Ce sont des domaines en évolution permanente. 

Ce n'est pas sérieux aux yeux des gens, "et ça ne va pas s'arranger tout de suite, ça n'en prend même pas le chemin) qui viendront pour beaucoup consommer de l'équitation comme on va au cinéma ou à la piscine une fois par semaine. Probablement pas sérieux  non plus aux yeux de votre famille qui vous prendra pour le marginal, et vous serez l'incorrigible original de votre groupe d'amis (qu'il faudra le plus possible conserver et entretenir en dehors de votre métier). Oui parce que vous allez voir que quand on travaille cheval, on s'habille que cheval ou presque, on sort qu'entre cavaliers ou presque, on ne parle plus que de cheval ou presque, on ne fait des loisirs qu'orientés cheval ou presque... 

Alors si c'est votre truc foncez, mais maintenant, vous savez !

Si vous foncez, attention toutefois à l'overdose, à la fracture intellectuelle et sociétale, ainsi qu'à l'isolement (on dirait un spot de lutte contre une addiction, Laurent Karila, sort de ce clavier)... 

Pour compléter : Diplômes pour encadrer l'équitation et Le recrutement dans la filière équestre
 

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